Suite du roadmovie normand
Quand nous avons vu passer notre première Super 5, au détour d'une communale, on a réalisé qu'on n'était plus en région parisienne. 28, Eure-et-Loir ! OK, ce n'est pas le delta du Mekong, mais à pied, avec deux enfants et un âne, on se sent déjà loin. Savourons.
D'autant que la journée de mercredi ne fut pas sans sueur. Chaude, cette étape, très chaude. Et pas un arbuste pour se mettre à couvert. Face à l'hostilité du relief, on s'adapte. Opération vieilles pierres : une chapelle du 12 e siècle, lovée dans un vallon à la sortie d'un hameau, nous tend les bras. On attache Cakao à la grille du cimetière. Et vite, on abrite les enfants sous la voûte ombragée du porche. Les bouteilles d'eau tiède sont vidées sur un buis, sans regrets. Dans les cimetières, c'est connu de tous les marcheurs, fugitifs ou anciens scouts, on trouve de l'eau fraîche ! Autant ne pas se priver, l'eau des morts ramène à la vie.
Bref, une journée à jouer à cache cache avec le soleil. A la rougeur de nos avant-bras, on peut dire que c'est lui qui a gagné. Les petits traversent plutôt bien cette mini canicule printanière, bardés qu'ils sont de crème solaire indice 300, chapeaux et autres subterfuges de maman prudente. Toujours de belles rencontres ; Gérard, Françoise et leur fille Samuelle, qui nous ont accueillis dans leur ferme avec une bienveillance rare. Mention spéciale à l'âne Galopin, qui a fait de la place à Cakao dans son pré pour la nuit. N'oublions pas non plus celui qu'on nommera "le cycliste inconnu", alpagué au beau milieu d'un village désert, de toute notre naïveté citadine : "Excusez-nous monsieur, où se trouve la supérette?" "La quoi ?" "Heuuu l'épicerie si vous voulez" "Mon pauv' ami, ya plus rien ici !"
Et nous, penauds, déprimés, qui reprenons notre chemin, avec pour seul déjeuner un pot de miel offert à ferme, un bout de brioche et un reste de pâtes à faire cuire... Léger stress pour l'équilibre alimentaire de Faustine, l'espace d'un instant. Mais 500 mètres plus loin, notre cycliste inconnu nous rattrape avec un plein sac de denrées : fromage blanc, jambon, biscuits... Il nous propose même de nous rejoindre l'après-midi pour nous fournir un goûter. Ce que nous refusons poliment, ébahis par sa spontanéité. Nous ne le remercierons jamais assez. Ce genre de rencontre redonne confiance pour de bon et fait même oublier les faux pas (ah oui, on s'était paumés en plus !)
Sinon, toujours ce bonheur simple, interminable méharée sur des chemins de terre où l'on ne croise guère que ses propres pensées, sous un ciel invariablement bleu, parfois traversé par le sillage d'un long-courrier. On chante beaucoup, on s'en met plein les yeux. Peu de photos. En revanche, nous tournons énormément (projet d'un petit film !) Mais cette petite note ne serait rien sans les perles de Faustine, qui, du haut de ses deux ans et demi, nous fait bien rire. Morceaux choisis : "Pourquoi il y a toujours plein de tours Eiffel dans le champ ?" Ou encore : "Les orties, ça pique, comme les faux Père Noël".
Après une étape chez Violaine et sa famille, dans le superbe village de Rouvres (mercredi soir), nous serons jeudi chez les carmélites de "Saint-Georges Motel". Un nom étrange, quelque part entre Claudel et Kerouac. Parfait pour un pèlerinage en forme de road-movie.
Suite au prochain épisode.
Bien à tous,
Pauline, FX, Faustine, Martin et Cakao